En 2021, nous aurons le plaisir d’inaugurer un nouvel espace d’exposition dans le hall Vauban à l’UVSQ, avec la magnifique exposition photographique « Maalesh, Voyage en Méditerranée » de Léon Dubois. En 1950, Cocteau fait le tour de la Méditerranée lors d’une tournée de théâtre. A son retour, il publie « Maalesh » son journal de bord. Pour le 70ème anniversaire de ce voyage méditerranéen, le photographe Léon Dubois a suivi ses traces à la recherche des villes, des ambiances et des atmosphères décrites par l’auteur.
Peux-tu te présenter ?
Je suis photographe basé en Egypte à Alexandrie où je travaille spécifiquement sur des oeuvres littéraires poétiques. Avant de m’installer en Egypte j’ai fait un Master de recherche en Histoire des Médias sous la direction de François Robinet à l’UVSQ (CHCSC). J’expose mes travaux principalement en France et en Egypte, je suis également membre du studio HansLucas basé à Paris.
Quel est ton parcours en tant que photographe ?
Ma première véritable expérience de photographe nous ramène en 2015 dans ce qu’on appelait la « jungle » de Calais, j’y avais réalisé un photoreportage pendant 6 mois, en argentique, pour comprendre les enjeux de ce lieu à l’époque très médiatisé. Photographier en argentique nécessite du temps, cela m’a forcé à travailler sur la durée. J’ai ensuite voyagé en Egypte pour travailler sur des sujets de société : les réfugiés soudanais au Caire, la crise du tourisme à Assouan.
En 2017 je me suis installé à Alexandrie en Egypte où j’ai commencé à apprendre l’arabe et approfondir ma connaissance de la société égyptienne. La complexité du monde arabe m’a poussé à travailler sur des projets au très long terme (plusieurs années), toujours en argentique, avec une forte dimension historique, littéraire et poétique. C’est quasiment un travail de recherche avec une dimension poétique très marquée.
En 2020 j’ai eu la chance d’être soutenu par de nombreuses institutions pour mon travail sur le voyage méditerranéen de Jean Cocteau dont le Comité Jean Cocteau, l’UVSQ ou encore le fabricant de produits photographiques Bergger qui m’ont été d’une grande aide morale et technique.
Pourquoi avoir choisi Cocteau et son voyage en Méditerranée comme sujet de ton projet photographique?
J’ai découvert « Maalesh » lors d’une conférence sur l’Egypte contemporaine à l’Institut français d’Alexandrie. Cet ouvrage m’a frappé par son caractère très actuel : 70 ans plus tard, Cocteau décrit des situations que je vis au quotidien en Egypte. J’ai alors décidé de me laisser guider par le récit, le projet s’est développé en trois temps.
Le premier a été celui de la recherche en archives, j’ai voulu comprendre comment Cocteau a écrit cet ouvrage, pour quelles raisons, quels ont été les mécanismes qui l’ont poussé à faire ce voyage.. j’ai ainsi pu retrouver des manuscrits, des photos, des archives de presse. Ma formation de recherche m’a permis de mobiliser les bons outils et j’ai pu travailler avec la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris et le CEAlex (centre du CNRS à Alexandrie) qui m’ont ouvert leurs archives.
Le second temps a été celui du voyage, j’ai effectué plusieurs parcours différents pour reconstituer tout le périple de Cocteau. Etant sur place, la partie égyptienne a été la plus aisée. En 2018 j’ai fait un voyage au Liban, puis en 2019 une boucle entre l’Egypte, la Turquie et la Grèce qui m’a permis de compléter la liste des sites visités par Cocteau.
La troisième et dernière étape a été celle de la sélection des photographies. J’ai retenu des images avec un jeu d’ombres et de lumières très particulier, la poésie qu’elles inspirent laisse place au rêve et s’accordent avec les mots de Cocteau. Le lien entre les mots de Cocteau et mes images est d’ailleurs au cœur du dispositif de l’exposition : l’un ne va pas sans l’autre.
Ce travail questionne l’espace méditerranéen : qu’est-ce qui faisait la Méditerranée en 1949 ? Qu’est-ce que la Méditerranée aujourd’hui ? C’est au visiteur de se faire sa propre idée en naviguant entre les mots de Cocteau et mes photographies.
Lors de ton voyage sur les traces de Cocteau, quels ont été tes plus beaux souvenirs, plus belles rencontres voire tes déceptions ?
Ma plus belle expérience a été entre la Turquie et la Grèce, j’ai embarqué sur un ferry à Izmir pour rejoindre une île grecque avant de traverser les cyclades pour rallier Athènes. Malheureusement je suis arrivé sur l’ile de Chios la veille de Pâques et j’apprenais alors qu’il n’y aurait pas de ferry pour Athènes avant.. deux jours ! Je suis donc resté sur cette île avec des agneaux qui grillaient dans les rues et des rameaux qui jonchaient le sol des ruelles. C’était hors du temps.. plus tard j’apprendrai que le propriétaire de mon appartement à Alexandrie est originaire de cette île. Je me suis alors dit que je n’étais plus en Grèce ou en Egypte, mais en Méditerranée.
Au delà des anecdotes ce travail m’a montré qu’en 70 ans les villes changent, se transforment. Certains lieux n’existent plus mais les lumières, les atmosphères, les ambiances restent. La forme des villes évolue mais leur âmes subsistent.
Tu vis en Egypte, peux-tu nous en parler ? Aurais-tu une anecdote à nous raconter ?
J’habite à Alexandrie qui est une ville de 7 millions d’habitants située au nord du Caire, sur la mer Méditerranée. Il m’est arrivé beaucoup de situations étranges en trois ans mais la plus surprenante était peut être le jour où notre 4×4 s’est ensablé dans le désert à la nuit tombée et nous n’avions bien entendu pas de réseau… Tout s’est arrangé après quelques heures à le pousser dans le noir, on s’en est sorti avec une bonne surchauffe moteur !
Quelles sont tes influences, tes aspirations ?
Ma formation de recherche en Histoire a une influence majeure sur mon travail de photographe, je souhaite que le visiteur quitte mon exposition en ayant appris quelque chose. A cela s’ajoute la dimension poétique dont la photographie est le support, l’image ouvre la voie à la rêverie qui est un moteur essentiel pour moi.
Techniquement le choix de l’argentique tient une place centrale car je cherche à créer un objet photographique unique avec une âme spécifique. Du développement à l’encadrement tout est réalisé dans mon atelier où l’on y perfectionne constamment nos techniques de tirages et de développement.
Visuellement je me retrouve beaucoup dans les compositions très géométriques avec une dimension humaniste : je suis très sensible aux travaux d’Henri Cartier Bresson ou de Joseph Koudelka pour ne citer que les plus célèbres.
Quels sont tes projets pour 2021 ?
J’ai une année 2021 bien remplie avec l’exposition « Maalesh, voyage en Méditerranée » qui sera exposée en France à l’UVSQ, au Musée Jean Cocteau de Menton mais aussi en Egypte pour l’Institut français et des galeries privées.
En ce qui concerne les projets institutionnels je travaille avec la Bibliothèque d’Alexandrie où nous préparons une grande exposition pour proposer un nouveau regard sur Alexandrie avec des artistes égyptiens. D’ici là une commande privée m’amène sur les pas d’une nouvelle oeuvre poétique connue par les enfants du monde entier … à découvrir l’année prochaine.
Embarquez pour le voyage sur la page instagram du @servicecultureluvsq !
Photo de couverture : c/Anthony Micallef